Ce projet est né de discussions en novembre 2016 entre Christine Develotte et Corinne Melin sur l’inscription de la pratique artistique dans le cadre scientifique, sur la place du corps et de son langage dans des « situations écraniques ».
L’artiste Fabien Zocco a été invité à nous rejoindre dans cette aventure en avril 2017.
Pendant une quinzaine de mois, des séries d’échanges entre l’artiste, l’historienne d’art et les chercheuses du laboratoire IMPEC (Interactions Multimodales par ECran) de l’ENS de Lyon : Magali Ollagnier-Beldame, Christine Develotte, Isabel Colón de Carvajal, Heike Baldauf-Quilliatre, Morgane Domanchin (suivi) ont conduit à la création d’un dispositif expérimental interrogeant les relations entre l’écran et le lecteur.
Le dispositif sera expérimenté tout au long du colloque international ayant pour thème « corps et écran » à L’ENS de Lyon du 4 au 6 juillet. le programme
PRÉSENTATION du PROJET
L’artiste Fabien Zocco et l’historienne d’art contemporain Corinne Melin interrogent chacun dans leur champ respectif le face à face homme machine, et la place des langages (écrits, corporels) dans le trouble de cette relation. La forme de leur intervention est celle d’une expérience artistique, à mener en groupe tout au long du colloque. Un dispositif a été composé à partir d’écrans mis en réseau dans l’espace de la salle de présentation ; diffusant, selon des rythmes et intensités lumineuses variés, un texte composé pour l’occasion.
Certaines des conventions sociales, des usages conscients ou inconscients du support écran ont été mobilisés, pour mieux être joués et/ou déjoués dans le dispositif à expérimenter. Celui-ci engage une réflexion ouverte et sensible sur d’une part, l’écran comme surface réfléchissant le sujet (face à face physique et symbolique), et d’autre part, « l’écran qui s’exprime » ou l’écran comme vecteur de ses propres effets bouleversant les habitudes de lecture.
Sur le dispositif
Dès le départ, le dispositif nous est apparu sous la métaphore d’un « méta organisme ». Le terme organisme traduit notre volonté de considérer la machine (l’ordinateur ici) comme ayant une certaine autonomie, comme étant en capacité de générer son propre langage, sa propre expressivité. En ce sens, il fallait sortir la machine de son contexte initial (le bureau), mettre à nu ses composants tels que tour, moniteur, câbles, et les recomposer de façon inhabituelle en cherchant à donner une autonomie à l’écran.
Huit supports ont ainsi été disposés librement dans l’espace : sur des tables, au sol, placés côte à côte, etc. Chaque écran diffuse selon son propre mode expressif, selon les possibilités de sa technique (modèle de l’ordinateur, année, processeur, usages, etc.). Chaque écran est poussé dans ses limites positive ou négative ; les écrans sont comme augmentés ou diminués si l’on peut dire et/ou configurés et personnalisés. Sur chacun, circulent des fragments d’un texte fait de citations prélevées dans la littérature moderne et contemporaine, et organisées en deux grands ensembles ; l’un sur les jeux écriture, lecture ou « épaisseurs » de l’écran, et l’autre sur l’adresse, du texte vers le lecteur en passant par la surface « écranique ».
Dans ce dispositif, l’écran est considéré comme un médium à part entière ayant sa propre autonomie et cherchant des modalités pour l’exprimer. La place et la fonction du sujet lecteur (expérimentateur) s’en trouvera forcément modifier. Ce dispositif permettra de clarifier l’interaction écran et sujet qu’il donne à expérimenter, et à relever les changements induits dans la relation sujet/écran. Juste après l’expérience collective, un échange avec les auteurs permettra de récolter les effets produits par le dispositif. Cette collecte sera ensuite dégrossie et communiquer sous forme de synthèse.
Bibliographie (sélection)
Emmanuel Grimaud et Zaven Paré, « Le jour où les robots mangeront des pommes : conversations avec un Geminoid », Paris, Éditions Petra, coll. « Anthropologiques », 2011
Perspectives –1, 2013, Riccardo Venturi, «écran et projection dans l’art contemporain»
Critique d’art, 48 Printemps/été 2017, Riccardo Venturi « L’écran sensible au-delà du cinéma »
Gérard Chazal, « Le miroir automate, introduction à une philosophie de l’informatique », édition champ vallon, 1995
Gérard Chazal, « Interfaces, enquêtes sur les mondes intermédiaires », édition champ vallon, 2007
Ars Vivendi Journal-1, August 2011, Paul Dumouchel & Luisa Damiano « Artificial Empathy, Imitation and Mimesis » p 18-31
Vilèm Flusser, « La civilisation des médias », Circé, Paris, 2006.
Giorgio Agamben, « Le Feu et le récit », Payot & Rivages, Paris, 2015
Friedrich Kittler, « Gramophone, Film, Typewriter », trad. Frédérique Vargoz, préface Emmanuel Alloa, postface Emmanuel Guez, Dijon, Les Presses du réel, 2018.