Dans Synthetic Performances 2007-2008, les artistes espagnols Eva et Franco Mattes ont reenacté sur second life des performances historiques : Imponderabilia de Marina Abramovic et Ulay Stood ; The Singing Sculpture de Gilbert & George ; Seedbed de Vito Acconci ; Shoot de Chris Burden ; Tapp und Tastkino de Valie Export et Weibel. La série est née de leur position polémique à l’égard de l’art de la performance. «Nous avons choisi des actions qui étaient particulièrement paradoxale si elles étaient effectuées dans un monde virtuel . »
Les reenactors ont fabriqué deux avatars à partir des traits de leurs visages et corps respectif. Leurs déplacements sont imprécis; les corps sont raides et certaines positions sont invraisemblables. Ce sont bien des corps automatisés qui évoluent dans un environnement artificiel. Dans le reenactment The Singing Sculpture de Gilbert & George par exemple, l’avatar Eva tient debout, pendant plusieurs secondes, uniquement en prenant appui sur son talon aiguille droit et bouge les bras et la tête dans diverses directions, sans respecter la gravité. Toujours dans ce reenactment, la bouche des avatars performeurs s’ouvrent par intermittence comme celle d’un poisson ; mouvements dissociés de la chanson qui passe en off. L’énergie propre aux performances originales et leur pouvoir de provocation se dissipent ou se transforment en quelque chose de complètement différent.
Lors des reenactments, les avatars spectateurs interagissent entre eux à l’aide du chat. On entend les frappes d’un clavier et simultanément voit l’avatar bouger les doigts de ses deux mains sur un clavier invisible. La phrase s’affiche alors en temps réel dans le coin gauche de l’écran, aussitôt suivi de la réponse d’un autre. Ces interactions ne sont pas contrôlées par les artistes ; elles sont relatives aux choix individuels des spectateurs. Les artistes écrivent le code pour faire bouger leurs avatars, un autre code pour qu’ils évoluent en relative autonomie des avatars spectateurs, etc. mais ne contrôlent pas toutes les interactions avec les avatars spectateurs.
Synthetic performances fait exister le reenactment dans un monde où la vie et sa représentation sont intimement mêlées. En effet, dans le monde virtuel, le médium et la vie ne sont pas distingués, parce que la vie est entièrement médiatisée. « Je suis mon avatar, et le fait que mon avatar soit un artefact, une marionnette fait de polygones et de textures, ne m’empêche pas de m’identifier à elle. Quand je dis JE c’est mon avatar qui parle. et je dis JE au même titre que des millions d’autres internautes avec qui je peux parler, danser, travailler, boire un verre, etc. » (Dominique Quaranta) Entrer dans ce monde virtuel signifie faire face à une nouvelle forme d’existence. Synthetic Performances tente d’explorer ce nouvel horizon en utilisant une forme d’art qui focalise intrinsèquement sur la vie. Ils utilisent la performance pour explorer « la vie à l’écran », la vie reproduite technologiquement.
Si vous n’êtes pas enregistré sur second life, vous pouvez néanmoins voir ces reenactments. Ils ont été téléchargés sur un support vidéo afin d’être diffusés à d’autres moments et dans d’autres lieux. Les reenactments sont également rejoués dans des lieux institutionnels traditionnels. Dans ce cas, les spectateurs peuvent manipuler les avatars performeurs selon le code crée par les deux artistes. « Tout est médiée, rien n’est spontané. »