Poésie et espaces publics : formes, lieux et pratiques aux XXe et XXIe S
Colloque international, 27 et 28 avril 2015 à Louvain-la-Neuve

La poésie trouve au long des 20e et 21e siècles une inscription grandissante dans l’espace public, sous des formes anciennes et nouvelles dont l’inventaire et l’exploration systématiques méritent d’être entrepris. Cette visibilité croissante se situe à la croisée des arts. Dans l’espace public, que ce soit sous forme d’inscription monumentale ou éphémère, ou encore de performance singulière, la forme poétique n’est pas dissociable du lieu et des acteurs qui la rendent possible, lisible, audible.


Texte ayant fait l’objet de l’appel à communication pour le colloque

La poésie trouve au long des XXe et XXIe s. une inscription grandissante dans l’espace public, sous des formes anciennes et nouvelles dont l’inventaire et l’exploration systématiques méritent d’être entrepris. Cette visibilité croissante se situe à la croisée des arts ; elle est plus ou moins marquée selon les diverses aires culturelles et linguistiques. Ce phénomène multiforme engage une conception spécifique de la poéticité : il interroge les rapports entre le texte et la performance, renouvelle la notion d’auctorialité (acteurs individuels ou collectifs) et met en jeu des dispositifs liés à l’intermédialité. L’inscription poétique dans les espaces publics implique une autonomie que l’on pourrait qualifier de « poreuse » (Grabner-Wood).

À l’intérieur de ce domaine encore peu étudié mais potentiellement vaste, nous proposons de limiter le cadre de l’exploration à :

la notion de poésie au sens littéral, c’est-à-dire celle qui suppose une production langagière susceptible d’acquérir une dimension pérenne sous forme de texte ;
la conception d’un espace considéré comme public en ce qu’il concerne ce « qui n’est pas secret, qui a lieu, qui se passe devant plusieurs témoins », qui est « accessible, ouvert à tous; qui est à l’usage de tous » (TLF) ; mais aussi quand il implique une dimension physique d’accueil du corps (l’espace virtuel électronique ne sera pas pris en compte).

Dans le foisonnement des inscriptions poétiques dans l’espace public, trois axes peuvent être retenus pour orienter la réflexion : quelles formes ?, quels lieux ?, quelles pratiques signifiantes ?

La question des formes poétiques nous renvoie aux conditions et dispositifs d’énonciation et/ou inscription de la poésie dans l’espace public. Que ce soit sous forme d’inscription monumentale ou éphémère, ou encore de performance singulière, la forme poétique n’est pas dissociable du lieu et des acteurs qui la rendent possible, lisible, audible. Quelles formes prend-elle ? En rapport avec quelles traditions du passé ? Peut-on en étudier des traits spécifiques (comme les modalités d’interpellation du public, ou le rapport spécifique entre énonciation et corps) ? Y observe-t-on de nouveaux schèmes de lecture (implication du lecteur/spectateur et interaction, rythmiques de lecture, partage de l’expérience de lecture, rétention multisensorielle du poème, expérience émotionnelle collective) ? Et au niveau de la réception, quelles nouvelles interprétations cette matérialité du support et le dispositif d’énonciation appellent-elles ?
La question des lieux nous ouvre à une vaste typologie puisque le choix spatial et contextuel détermine le sens d’une énonciation ou inscription poétique. L’on s’interrogera sur l’impact de la poésie dans des espaces spécifiques (théâtres, salles de spectacle…) ou urbains de plein air (rue, place, parc), les (non-)lieux typiques de la modernité tardive (aéroport, grandes gares, métros, centres commerciaux), ainsi que dans la nature (land art). Et inversément, quel est l’effet de l’inscription dans l’espace (sous forme matérielle ou de performance) sur la poésie elle-même ?
Enfin, la question des pratiques signifiantes nous amènera à nous interroger sur la fonction critique et politique de cette poésie dans l’espace public (commémorative, de résistance, éducative, ludique ou esthétique, par ex.) liée à une réappropriation des espaces sociaux. Comment ces fonctions s’appuient-elles sur des répertoires existants, les réorganisent-elles, les resémantisent-elles ? Comment se croisent-elles dans des pratiques singulières (par exemple articulation entre poésie de circonstance et mise en valeur d’un patrimoine national, ou entre performance isolée et mémoire collective liée à l’identité d’une communauté menacée)?

Orientation bibliographique
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